Dazibao n°30 - octobre 2011

Présentation des éditions Quiero

Un article d’Olivier Pennaneach (Agence régionale du livre) paru dans le numéro d’octobre 2011 de la revue Dazibao.

Refusant d’intégrer un système auquel il ne croit pas, Samuel Autexier arrête ses études à 16 ans et consacre son temps à deux activités : les beaux–arts et l’objection de conscience [1]. En 1994, il rejoint la revue poétique Propos de campagne, et fait cinq ans plus tard la connaissance de Thierry Discepolo des éditions Agone avec qui il crée la revue Marginales [2]. Désireux de ne plus fragmenter les postes mais de tout assumer, du choix des auteurs à l’impression des livres, il a choisi depuis de se tourner vers l’édition artisanale de poésie.

« La littérature en France est dans son histoire le fait de la bourgeoisie qui a rendu cette langue rigide, refusant de la voir évoluer, se démocratiser. Les poètes sont ces explorateurs des marges qui ont su élever la pensée poétique au rang d’action politique. » Le projet des éditions Quiero – dont le nom affirme volonté et engagement – naît en 2006 d’une discussion avec Bernard Weigel, grand spécialiste des poètes surréalistes et des situationnistes, devenu son associé.

Les manuscrits sont ceux de poètes connus de l’éditeur, maîtres à penser ou amis chers. Ainsi Philippe Cottenceau, avec qui Samuel Autexier avait découvert la poésie du temps de sa première expérience éditoriale. Papier que tu donnes à boire au soleil… est la publication posthume de ses carnets, d’abord tirée à 30 exemplaires [3], puis à 300 grâce à l’exposition qui accompagne le livre. Ainsi encore Serge Navetat avec Phloèmes, qui propose de découvrir ce peintre et poète hors du monde.
Deux autres titres sont en cours : une version retravaillée de Trois typographes en avaient marre de Guy Lévis Mano, et Les Poupées de Rivesaltes de Serge Pey et Joan Jordà. À suivre, pourquoi pas, Robert Desnos, les suédois Ingela Strandberg, Harry Martinson [4], ou encore les textes amoureux de Xavier Forneret que les surréalistes considèrent comme le précurseur de l’écriture automatique.

Afin de pouvoir éditer, Samuel Autexier procède à des souscriptions. Les expositions qui accompagnent chaque parution l’aident ensuite à équilibrer les dépenses et à assurer un minimum de ventes. Il vient par ailleurs de se rapprocher de la structure de diffusion Le Bruit des Abeilles (voir ici) pour étendre son réseau. Quant à la fabrication, elle se passe avec ses amis de l’association Archétype avec qui il choisit les polices, pense les mises en page et imprime en typo ou en lino. Jouant de la frontière entre recueil de poésie et livre d’artiste, Quiero mise aussi sur internet et le numérique ; pour preuve, les ouvrages parus sont tous en lecture gratuite sur le site ! Car ce n’est pas le profit que recherche cette structure militante, mais bien d’offrir à chacun une possibilité de s’évader et de se construire à travers la poésie.

Olivier Pennaneach

[1C’est un raccourci saisissant pour dire qu’ayant arrêté l’école en seconde et après avoir exercé plusieurs petits boulots, j’ai profité du statut d’objecteur de conscience pour reprendre des études aux Beaux-Arts d’Avignon de 1991 à 1993. En effet, le directeur de l’époque Michel Steiner m’avait autorisé à suivre, pendant les deux ans que durait ce service civil, les cours d’une formation pour adulte qui m’a permis d’approfondir ma pratique artistique et de m’orienter au final vers la publication d’une revue de poésie (Propos de Campagne). Il y avait à l’époque plusieurs professeurs qui avaient une certaine expérience dans ce domaine, : Pierre Tilman (poète fondateur de la revue Chorus) ou bien encore Arnaud Labelle-Rojoux (performeur et éditeur aux éditions Evidant)...

[2Correction : je crée la revue Propos de campagne en 1993, avec Philippe Cottenceau, Pierre Lieutaghi, André Lombard, Anne-Marie Vidal...) à ma sortie des Beaux-Arts. C’est comme responsable de cette revue de poésie que je rencontre Thierry Discepolo (alors responsable de la revue Agone) qui m’invite, en 1998, à créer avec ma soeur Héléna Autexier, en coédition avec les éditions Agone, une collection littéraire intitulée Marginales. Nous créons donc pour cela une nouvelle association (Marginales, propos périphériques) toujours basée à Forcalquier qui prend en charge les premiers titres de la collection et, en 2002, la revue Marginales créée pour soutenir les ouvrages de cette collection. La revue Agone ayant cessé à cette date-là de publier des textes littéraires...

[3En août 2010.

[4Deux auteurs déjà publiés dans la collection Marginales.