Ce recueil de Guy Lévis Mano, édité une première fois en 1935 et réimprimé en 1967 est un long poème écrit sur le vif qui décrit l’ambiance de l’atelier et donne à voir, depuis les casses où gronde la révolte des caractères, la vie laborieuse des typographes et les rapports qu’ils entretiennent avec la lettre et les mots imprimés…
Trois typographes en avaient marre est un monument typographique et poétique dont l’édition, heureux hasard du calendrier, a précédé deux des plus belles luttes sociales du siècle dernier. Souhaitons que le ras-le-bol des typographes soit suivi des mêmes mouvements.
Guy Lévis Mano qui en fut l’auteur, l’éditeur et l’ouvrier ne voulait pas d’une réédition à l’identique de son livre. L’occasion pour nous d’une nouvelle mise en forme typographique, histoire de dire comme lui que : « nous n’en avons pas marre d’en avoir marre » !
TIRAGE DE TÊTE
Il a été réalisé de cet ouvrage un premier tirage de tête, de 20 exemplaires numérotés, imprimé sur papier vélin d’Arches et augmenté d’une macule originale de la couverture. Un second tirage de 10 exemplaires numérotés a été réimprimé avec le second tirage, il est épuisé lui aussi...
COMMANDE DE L’OUVRAGE (indisponible !)
Quiero éditions c/o Marginales, Les Billardes, 04300 Forcalquier.
Chèque à l’ordre de « Marginales - propos périphériques ».
DOSSIER DE PRESSE
Trois typographes en avaient marre
Art
Fantaisies typographiques
Art de composer les textes imprimés, la typographie est une discipline réputée austère, héritée d’un monde de plomb aux contours nets, cernés par l’encre noire sur le papier blanc. Une discipline d’éternels ergoteurs : il n’y a qu’à suivre quelques débats de ces messieurs-dames les typographes à propos de césures, d’insécables, de sauts de ligne, de retour au fer, de paragraphe, pour se rendre compte qu’ils ne rigolent pas souvent. Pis encore, leur métier est l’art ultime du camouflage : le travail est d’autant plus réussi qu’il sera invisible. Qu’on se rende compte : ce qu’ils appellent la couleur, c’est la capacité d’un texte typographié avec soin à donner une impression étale et uniforme de grisaille. Et plus c’est gris, et plus l’artisan est talentueux. On l’aura compris, les typographes sont des êtres gris muraille, sans humour et à la fantaisie sans cesse autocensurée. Sauf que de temps en temps, sans doute à la suite d’un excès de contrainte, ils laissent la porte entrouverte à leur imagination, les barrières cèdent, et c’est un feu d’artifice de créativité.
Deux livres viennent de paraître qui sont ainsi des fêtes pour les yeux. Les éditions Quiero ressortent le mythique et peu connu Trois typographes en avaient marre, de Guy Lévis Mano (1), admirablement composé par Philippe Moreau et Samuel Autexier, qui semblent avoir pris un plaisir sans fin à mélanger les fontes, les couleurs, les casses, les corps et les types dans un désordre très réjouissant. En reprenant de façon foutraque le texte poétique d’origine, en se permettant toutes les blagues de typographe, ils respectent à la lettre, pour ainsi dire, les dispositions testamentaires de l’auteur, qui demandait que l’on ne réédite pas ses livres à l’identique. Et de quelle belle façon ils s’y emploient ! Dans un atelier et son imprimerie, trois typographes qui auraient sans doute travaillé trop tard, fumé trop de café et bu trop de cigarettes, passent de l’autre côté du papier-miroir et vivent enfin dans le monde de leurs amis — les caractères. Et cet univers qui à nous, lecteurs, paraît tellement ordonné, est en fait un fourbi insoupçonné d’individus parmi lesquels on trouve de tout : des grands, des petits, des gros, des élancés, des lettres aux courbes avantageuses ou au contraire des lettres aux jambages courts. Le monde même de la poésie, d’une humanité plurielle et indisciplinée, mais qui ploie sous la coupe totalitaire des typographes dont la presse est le terrible instrument de rétorsion.
Pour ne rien gâcher, le livre est composé au plomb, imprimé sur un papier à la texture d’épais buvard, qui porte en lui tous les embossements et traces de son passage sous la presse.
Le second livre est celui de Marc Pantanella (2). Cette fois, le typographe est en vacances, de très longue durée. Poussé en touche par des machines qui nous laissent croire qu’elles sont capables de monter une police pour nous, mieux que ne sauraient le faire les hommes de l’art, l’un d’eux, dissident, puisqu’on n’a plus besoin de ses services, s’occupe à distraire les caractères avec des facéties. Il finit par créer un monde autonome de caractères indescriptibles : le « e » assoupi, l’hypertrophie de la cédille, le « j » pour bègues. Des lettres qui ne servent à rien, comme on dit aujourd’hui, un peu vite ; mais qu’on leur prête attention, et elles nous expliquent en creux comment chacune de leurs ancêtres a été dessinée par les grands typographes, maniant le plein et le délié avec une virtuosité modeste. Et la leçon, comme souvent celle des grands maîtres, est à la fois belle et drôle.
En définitive, les typographes, à force de repli derrière la trame du texte, ont été leurs pires ennemis. Mais, désormais oubliés, désœuvrés dans leurs ateliers aux odeurs de solvants et d’encre, ils peuvent enfin révéler leur véritable nature : des poètes et des artistes merveilleux.
Philippe De Jonckheere
(1) Guy Lévis Mano, Trois typographes en avaient marre, Quiero, Forcalquier, 2011, 40 pages, 25 euros.
(2) Marc Pantanella, Typographie inusuelle d’aucune aide pour les gens qui rédigent & fabriquent des imprimés de toutes sortes, L’Oie de Cravan - Finitude, Montréal - Le Bouscat, 2011, 50 pages, 10 euros.
Vous pouvez lire l’article en ligne sur le site du Monde diplomatique.
Ou retrouver l’auteur de cet article sur son blog Le bloc-note du désordre.
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