en librairie le 2 octobre 2024
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Ce livre, sous titré Pour un apprentissage créatif du langage, se présente sous la forme d’un dialogue entre deux « Philippe » qui partagent ici leurs expériences et leurs recherches sur l’apprentissage de la langue.
Qui aurait l’idée saugrenue d’enseigner d’entrée de jeu la perspective à de tout jeunes enfants pour les initier au dessin ? C’est pourtant s’agissant du langage, ce que fait l’école en enseignant trop précocement la grammaire.
C’est ce constat qui a poussé deux praticiens et chercheurs à persévérer – contre le cours des politiques de l’éducation nationale et de l’enseignement du français – à proposer un apprentissage créatif du langage.
L’enfant construit son langage et sa langue. L’élève n’est ni une table rase ni une éponge, il construit sa langue dans l’action de langage. Il n’imite pas des discours entendus, il les construit, dans le dialogue avec les autres, en s’instruisant d’une mécanique de création en évolution depuis sa naissance.
Conforté par la réception positive de leurs travaux auprès des pédagogues, des orthophonistes, des professionnels de la surdité, ce livre est réédité avec un dialogue introductif dédié à Jean Piaget et Gustave Guillaume.
Extrait :
Philippe :
L’enfant ne communique pas quelque chose qui est tout prêt au fond de lui-même et qui se matérialiserait dans son énoncé. Ce n’est pas comme cela que procède l’enfant.Philippe :
Ni l’adulte d’ailleurs.Philippe :
Ni l’adulte d’ailleurs, tu as raison. Non, l’enfant produit cet énoncé et pendant la production, le sens se construit, parmi les hésitations, les essais, les erreurs, les reprises… L’enfant produit, construit, conceptualise, sensifie (construit du sens) en produisant, en construisant. C’est ces mécanismes producteurs du discours que devrait privilégier l’enseignement et non pas des règles fixées, étrangères à la vie du langage enfantin, et qui le sont aussi, pour la plupart à la vie de la langue elle-même !Philippe :
Ce pourquoi la grammaire scolaire enseigne une langue morte. Au contraire, partir des créations verbales et des discours ce serait enseigner une langue vivante. Au fond, le constructivisme prend en compte le fait que parler, écrire, écouter, lire sont des actes créatifs. Au fond, le parti pris raisonné du constructivisme est la simple reconnaissance du fait humain que la personne est un être en devenir. Reconnaître l’élève comme être de langage c’est lui reconnaître d’être en devenir.
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DOSSIER DE PRESSE
À bas la grammaire
grammaticalement votre !
Voici deux interlocuteurs experts en langage qui se livrent sous nos yeux à une partie de badminton sans accélérés afin de nous encourager à diagnostiquer ce qui ne va pas dans le fonctionnement du parler et de l’écrit. Le fonctionnement de la langue étant indissociable de la façon dont la société a orienté sa structuration et surtout sa déstructuration, il paraît très évident que cet ouvrage de dialogues éclairés s’intitule À bas la grammaire !
Tel un cri de guerre de la part des ces deux enseignants ayant choisi en accord avec l’éditeur de ne faire apparaître que leur prénom Philippe, le même pour l’un comme pour l’autre, cet ouvrage relance le débat qui concerne en premier lieu l’enseignement public. Mais les critiques sur les contraintes grammaticales et celles de suivre les règles édictées telles des injonctions depuis l’obligation d’aller à l’école depuis Monsieur Jules Ferry, ne datent pas d’aujourd’hui. Sous la plume de Pierre Guiraud, jadis professeur à l’Université d’Aix-en-Provence et auteur de plusieurs ouvrages de synthèse sur la langue dans la fameuse collection Que sais-je ? (P.U.F. éd.), on pouvait lire en 1967 (réédition de La grammaire, de 1958) :
« Est-ce à dire qu’il faille abaisser cette norme ? C’est là un grave problème ; et sans le poser, on peut toutefois relever que l’usage défendu par l’Académie et par les grammairiens accrédités auprès du public est à la fois d’origine littéraire et bourgeoise. La grammaire est un luxe dont le peuple ne ressent pas le besoin ; la presse populaire n’entretient généralement pas de tribune grammaticale et marque souvent, par ailleurs à l’égard de la langue un mépris choquant. »
Certes les grilles de mots croisés continuent de faire acheter la presse populaire mais il ne s’agit pas là de construire des phrases soi-même mais de dépendre d’un compositeur de définitions auquel il faut répondre suivant sa connaissance étendue du lexique en langue française.
Dans l’ouvrage collectif La grammaire du français contemporain (Larousse éd. 1964, 1970), les professeurs précisaient en liminaire :
« … nous avons consacré un chapitre aux constructions segmentées, si remarquables, quantitativement et qualitativement, dans le français contemporain. Et, de même, nous avons constamment souligné le rôle pertinent de l’intonation ; ce domaine est encore, hélas ! insuffisamment connu (…) »
Chez Philippe et Philippe, il s’agit ni plus ni moins de revenir contester un prétendu « bon usage » de la langue qui n’est autre qu’un usage à prétention fonctionnaliste. L’utilitarisme, dialoguent-ils, n’a pas d’autre but que de diriger les élèves de 8 à 12 ans vers un futur emploi, dans le futur proche ça va de soi pour les Inspecteurs. Il s’agit en tout premier lieu d’interpeller les « cognitivistes et didacticiens qui ne connaissent pas les élèves, sinon par les situations de laboratoire ou des expériences de classe très limitées. Sous prétexte qu’il est question de prendre ses distances avec sa propre expression, est affirmée l’absolue nécessité du recours au métalangage, un métalangage grammaticalisant et jargonnant. C’est celui qui est mis en pratique dans les classes avec l’effet sclérosant sur les élèves que cela produit. » (À bas la grammaire, p. 35)
C’est ici que la langue des signes, destinée aux sourds éclaire les aberrations de l’enseignement de la grammaire, comme une preuve par l’absurde. En multipliant l’expression visuelle des détails superfétatoires, l’individu se fige ou se cristallise sans parvenir à envoyer un message clair et bref à son interlocuteur. (cf p. 56 à 59). Ainsi en est-il de la réglementation ministérielle, toujours à l’affût du dernier gadget susceptible d’être qualifié de « pédagogique » par celui ou celle qui ne reste d’ailleurs jamais assez longtemps à l’Élysée pour constater le désastre.
Ailleurs, le dialogue entre Philippe et Philippe sur les construction verbales ou sur l’arbitraire de certaines formes de conjugaison, dépasse largement le cadre de l’enseignement pour rejoindre la sphère des poètes et des écrivains, du moins ceux qui se sont penchés sur le clavier en pensant aux écueils de la narration et aux manières d’en jouer : l’absence de la lettre « e » dans le récit La Disparition de Georges Pérec, le temps de conjugaison distinct pour chaque chapitre dans le récit Djinn d’Alain Robbe-Grillet, l’usage du pronom « nous » dans la nouvelle L’Ours analysé par Michel Butor et d’une manière générale tous ceux et toutes celles qui se revendiquent de la Pataphysique ou du Surréalisme. Mais au commencement le « Soleil cou coupé » de Guillaume Apollinaire qui achève le poème Zone n’était-il pas grammaticalement votre ?
* *
Ce n’est donc pas par caprice que des travaux pratiques et ludiques sont proposés, commentés de la page 111 à la page 142. L’expérience de l’enseignement de ces exercices montre combien l’éveil des élèves se fait dès lors que la participation est réelle. Il peut s’agir de composer un vers pour une poésie, lequel sera augmenté d’une signification voisine par un autre élève intervenant, afin de développer par l’usage du dictionnaire un récit pluriel guidé par l’enseignant. Il peut s’agir d’effacer tel ou tel mot d’un texte, rature ou caviardage, afin de recomposer un texte autre qui soit compréhensible et grammaticalement juste.
C’est peut dire que cet ouvrage À bas la grammaire encourage d’ouvrir les fenêtres, même s’il fait un peu froid dehors. Je me souviens de mes années d’étudiant à l’Université de Nice, inscrit en Lettres Modernes. Il avait été décidé en haut lieu que ne pas avoir la moyenne en Grammaire et Philologie était un obstacle à l’obtention de la Licence en Lettres. Pour bon nombre d’entre nous, les étudiants de 1972, l’affaire était jouée, pré-jouée même. Que faire des variations sémantiques latines à la période du Moyen Âge (pour la langue française car le latin était parlé et écrit partout en Europe ou presque) et pourquoi s’entêter à reconnaître la disparition d’un « s » ou d’un « y » dans tel mot et surtout à quelle date était-ce survenu ! Pour bon nombre d’entre nous, la Licence fut incomplète mais il est vrai que nous avions choisi d’autres voies que l’Enseignement et même que la Littérature, dans ce qui fut l’Université de Vincennes partout où nous désirions l’installer, de quelques jours à quelques années, sans diplômes ni sanctions préalables. Lettres Modernes oui, antiques non !
Dès lors, je relis les entretiens sélectionnés dans La Querelle de l’école, entretiens dirigés naguère par Alain Finkielkraut pour Radio France Culture (Stock/Panama, 2007) comme une chorale chantée sur l’absence de progrès tangible. Constater ce qui n’est pas exécuté sur directives ministérielles et ce que les réformateurs préconisent (en l’occurrence Luc Ferry, Alain Bentolila, Natacha Polony, Hélène-Merlin Kajman, Guy Carcassonne, Jean-Claude Casanova, etc.) est constater le désarroi qui s’ajoute au désarroi. Je me souviens également avoir entendu Erik Orsenna invité sur le plateau TV de François Busnel plaider la cause de la réforme de la langue française chez les Académiciens et observer qu’il en était malheureusement le seul (de la classe !).
J’ouvre au hasard un déjà vieux manuel de grammaire française de fin d’études (Hachette, 1957) conçu par F. Grammont et A. Hamon, avec le concours de Y. Pérignon, institutrice. Je ne peux que me réjouir à la lecture tout aussi hasardeuse de phrases sélectionnées pour les nombreux exercices destinés aux élèves, comme si elle étaient extraites de La Cantatrice chauve de Ionesco, pour une mécanique du rire. Par exemple, on nous demande de réécrire au passé composé les verbes au passé simple et aussi les verbes à l’imparfait en phrases au plus-que-parfait. J’ai peut-être interverti l’ordre de la demande, c’est possible. Soudain, le sens « sans dessus dessous » et le burlesque l’emportent sur la grammaire :
« Je pris la voiture et partit pour Quimper. Nous comprenions fort bien ce qu’il expliquait. Paul répondit qu’il manquait d’énergie. Annie et moi attendions le facteur. L’acteur apparut sur la scène et salua. Que faisais-tu pendant mon absence ? Je crus que tu avais des remords. Un coup partit : l’oiseau battit de l’aile et tomba. »
Comme l’indiquent Philippe et Philippe in fine, il n’y a pas véritablement de conclusion, « car la conclusion réside dans la pratique : celle de l’enseignement et ce que nous livre celle de l’apprentissage enfantin et celui des élèves. »
À bas la grammaire à acheter dès à présent, un livre qui redonne confiance et qui suscitera à coup sûr des discussions publiques stimulantes ! Les « ex » pourront tout aussi bien le ranger dans leur bibliothèque à côté des essais de Élise et Célestin Freinet, de A.S. Neill, de Maria Montessori et, plus près de nous encore, de Ivan Illich. Non loin enfin des poètes et anarchistes toujours soucieux de combattre « le chef » qui oblitère l’homme comme a choisi de se fabriquer le catalogue des éditions Quiero. Plus simplement, Georges Mounin (encore un professeur en linguistique de l’Université d’Aix-en-Provence dans les années 70) nous rappelait à juste titre que si la langue est une obligation de découper le monde, « le fait que toutes les langues européennes disent le jour se lève, n’a pas emprisonné Galilée dans le système astronomique de Ptolémée. » (Georges Mounin, Clefs pour la linguistique, Seghers, 1968, 1971). Cette problématique élargie à l’astrophysique ou à l’urbanisme, à la botanique ou à l’agriculture, ne doit donc pas faire désespérer la classe ouvrière.
Denis Chollet
Lire l’article sur le blog « scorpion51 »
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