Tout le monde peut avoir droit à ce que la majorité désigne comme valable, unique, indispensable. Un virus, une info, un fake news. Il n’y a plus d’après, la prospective est ravalée, déglutie dans une fugacité péremptoire.
Au sein de cette surchauffe cybernétique de l’appréhension généralisée, quelles sont les clés d’accès qui puissent prémunir le script souverain de sa propre parole, de ses propres rêves ? Un effet paradoxal d’incertitude devient manifeste : si mon prochain est un facteur de risque, si l’autre est un objet de défiance, comment ne pas concevoir la communauté comme l’endroit de tous les dangers, à la fois la ronde et l’arène que je ne peux pas quitter et l’échafaud où je risque de devoir payer mon aliénation, ma mise en liens ?
Il ne s’agit pas d’un séisme sanitaire mais d’une effraction de l’encodage mémoriel et associatif de l’histoire des mentalités. Ce qui a été vendu pendant des siècles comme la gloire de l’expansion – un monde des affaires florissant qui faisait vivre la cité – ne fonctionne plus ou de travers. Le brassage intensif des données, l’obligation de savoir et de répercuter, l’injonction d’être informé de tout sur tout fait du sujet citoyen un client et une cible. Le maillage quasi inextricable des satisfecit et des données personnelles est en même temps la résultante et le tremplin de la mondialisation intégrée. L’exploitation à outrance des ressources devrait en faire émerger d’autres, qui pourrait le croire !
Qui peut imaginer ne plus voyager à l’autre bout de la planète, qui conçoit et accepte de ne plus manger de viande, de ne plus goûter à la multitude des stades et des concerts, de surveiller ses approches et privilégier le contrôle ?
(La prise de risque est devenue une prise d’intérêt)
Revoir la logistique, démonter la grande distribution, refuser la tyrannie du CAC 40, chasser les agences de notation, le programme est si vaste que subversion et régression peuvent se rejoindre. La notion de décroissance est plus que suspecte car angélique. La position critique n’a pas sens que si nous proposons à notre tour des ébauches de solution.
Syndrome de développement, la survenue d’un fait épidémiologique désigne à tous notre friabilité face aux mutations. La proéminence des réseaux sociaux sur un lien réel et non virtuel est parlante. La place publique est devenue un foirail où, par négligence ou atavisme, le pire est toujours envisageable. Cela s’appelle magistralement d’un vertige partagé : le covide avec un e.
Emmanuel Loi