Prendre goût au legs et à la poix, notre ferveur inconsciente et incontrôlée envers le lien nous pousse à discréditer l’attache. Elle pallie à un sentiment de démobilisation alors que l’arbitraire sait se montrer si généreux que son caractère équanime ne fait pas de doute. Il y en a pour tout le monde. La bride intelligente sait retenir la voilure.
Afin d’éviter des conflits ouverts et trop visibles entre l’émergence de la pulsion et son éclipse, d’instaurer une plage trop grande entre une base de données des besoins les plus élémentaires et leur régulation dans un temps imparti, la mesure moderne du conditionnement s’estime à l’actualisation permanente de la péréquation frustration/satisfaction. Peu importe que la demande soit artificielle, reproductible et balisée, elle débouche sur l’ouverture de comptes courants. Comment s’y retrouver dans le négoce de la perte ?
Il n’est plus tellement question dans les rituels virtuels de qualifier l’offre mais de sanctuariser l’offrande qui doit être fluide, furtive et si possible peu matérialisée (voire rechargeable). Ainsi l’obole, le fruit de l’offrande, peut se reproduire, corvéable à l’envi. La fabrique à la découpe a un grand avenir devant elle. Arriver à faire croire qu’un désir personnalisé soit unique, que tel livre semble fait pour vous, qu’une maison correspond à vos rêves, que vous êtes le bénéficiaire et le détenteur unique de cette occasion mirifique, est un tour de force. Le plaisir a un prix et c’est le vôtre.
Grâce à la miniaturisation des emprunts, au rayonnement technologique des moyens de diffusion et de consommation, chaque participant a une chance ; le slogan illusionniste « il n’est pas interdit de rêver » gagne des zones peu couvertes par les réseaux de communication. Tout le monde sera servi. Le grand partage des valeurs se fait nommer croissance. Vous y avez droit, c’est un devoir d’y accéder. L’offre d’achat parvenue à se faire passer pour un service à la personne, c’est réellement une société de soins. Une taxidermie de haute voltige.
Emmanuel Loi