Que Patricia Hearst nous soit montrée en étudiante avant son enlèvement, ou bien en activiste radicale durant sa captation par l’ALS, qu’elle le soit dans ces prises de vue volées de la période d’après la prison ou dans les portraits glamour de son époque hollywoodienne sous la direction de John Waters, elle s’incarne toujours comme cette figure de la féminité qui, des seventies jusqu’à aujourd’hui, traverse l’époque comme ce visage et cette silhouette « cool » qui saturent les newspapers ou les écrans de sa présence absolue.
Il y a bien quelques ratés : l’irruption soudaine d’une dégaine amaigrie, d’une pâleur maladive, d’une coiffure approximative, celles de la militante austère et désexualisée qui déclasse la sublimité de la jet-setter à l’allure de mannequin.
Mais d’autres instantanés rattrapent vite et annulent la légère impression de malaise que nous éprouvons alors.
Ici, même les figurants contribuent à la qualité du film. À la droite de Patty, ce pourrait être Pam Grier ou une autre actrice funky, au brushing impeccable, aux ongles sans doute soigneusement manucurés, de la « Blacksploitation ». C’est Jackie Brown. À la gauche de la criminelle, le marshal fédéral solide et chevronné qui toise sa prisonnière d’une bonne tête garantit le professionnalisme et le calme paisible de l’arrestation. It’s a hard job for tough guys. Son regard à la Droopy qui en a vu d’autres derrière les verres fumés, sa lassitude tranquille, semblent nous dire la routine du jour. Ce pourrait être William Holden. Chaque matin, il lisse soigneusement des deux mains ses cheveux épars à la crème Pento. Au centre, les menottes et la chaine visibles sur le manteau de bonne coupe qu’a passé la scandaleuse héritière paraissent presque des accessoires de cinéma. Un sunlight providentiel irradie sa blondeur.
Au cœur encore de l’action la plus violente, en brune et en caban, Patty reste cette Hollywood girl qu’elle était destinée à être. Sans doute le geste est-il un peu surjoué, ou maladroit encore si l’on avise la main droite enfoncée dans la poche d’où, ceci dit, elle sort peut-être un nouveau chargeur pour rafaler à tout-va un hall de banque.
Tout aussi hyperréels, les portraits façon Harcourt de l’actrice mûre, plus ronde, définitivement peroxydée comme sa mère, participent encore du « Patty Hearst Show » que l’ex-otage s’employa faiblement à déplorer dans son autobiographie.
La galerie de ces clichés dans « Google-Images » ou « Pinterest » est vertigineuse. Le grain médiocre de l’un d’eux, dans l’aléatoire de la navigation, le laisse flotter de façon fantomatique sur l’écran, comme si un David Lynch ou un Ed Wood mélancolique s’emparait soudain de la caméra de John Waters pour nous le présenter déjà d’avance selon la modalité posthume qui est toujours la façon dont le spectre, fut-il le plus sexy, se révèlera pour un instant, et se rappellera à notre mémoire dans sa fugace épiphanie, quand Patty aura passé.
Jérôme Delclos
Suite et fin au prochain épisode…